Omelas, la cité du bonheur d’Ursula Le Guin

Pour la semaine 21, on continue à explorer la #JusticeSociale par les voies sensibles de la #fiction #littéraire.

Cette semaine, on vous invite à découvrir Ursula Le Guin. Grande dame de la #sciencefiction et de la #fantasy américaine, elle est connue pour une œuvre profondément humaine et intelligente qui va du roman aux essais, en passant par la poésie et la littérature jeunesse. Pressentie plusieurs fois pour le Prix Nobel de littérature, elle décédera en 2018 laissant une œuvre riche et longuement primée : cinq prix Hugo, six prix Nebula et dix-neuf Locus.

« Ceux qui parlent d’Omelas » est une nouvelle emblématique de l’écrivaine américaine, publiée en 1973 et lauréate du prix Hugo. Elle commence comme ceci :

« Dans un fracas de cloches qui fit s’envoler les hirondelles, la fête de l’Eté entra dans l’éclatante cité d’Omelas, qui domine la mer de ses tours. Dans le port, les gréements des navires scintillaient de fanions. Dans les rues, entre les maisons aux toits rouges et aux murs peints, entre les vieux jardins moussus et dans les avenues bordées d’arbres, devant les grands parcs et les bâtiments publics, les processions s’avançaient. »

Omelas est une cité du #bonheur où la joie de ces habitants déborde le jour de la fête de l’Eté. Tout est allégresse dans cette cité hédoniste. Tout le monde est heureux dans cet pays sans roi, sans police, sans publicité, sans esclaves, sans bourse des valeurs…

Par ailleurs, Ursula Le Guin aime grossir le trait et joue avec son lecteur, l’invitant lui-même à en rajouter.

« Je crains qu’Omelas ne vous semble une cité bien vertueuse. Des sourires, des cloches, des parades, des chevaux, bah ! Alors, ajoutez donc une orgie ; si cela vous paraît utile d’ajouter une orgie, n’hésitez pas. »

La vie est un bonheur à Omelas. Une joie permanente. Une extase.

« Y croyez-vous ? Acceptez-vous la réalité de cette fête, de cette ville, de cette joie ? Non ? ».

Il y a une ombre à ce tableau. Pour que le bonheur du plus grand nombre puisse avoir lieu, il y a tout de même une condition. Il faut accepter qu’un enfant soit exclu de ce bonheur, un « faible d’esprit », enfermé « dans le sous-sol de l’un des magnifiques bâtiments publics d’Omelas, ou bien dans la cave d’une de ces spacieuses habitations privées ». Ses conditions de vie sont horribles.

Certes dures, inhumaines, mais on explique à tous que leur bonheur dépend « entièrement de l’affreuse misère de cet enfant ». Le malheur d’une personne, la souffrance de cet enfant doit exister pour le bonheur du plus grand nombre. Il ne peut en être autrement. Le libérer ? Quelle idée : « Il est trop déficient et stupide pour connaître la moindre joie réelle ». De plus, si on calcule bien, il serait trop stupide de « rejeter le bonheur de milliers de gens pour la possibilité du bonheur d’un seul ».

Par ce récit, Ursula Le Guin offre un #dilemme#moral : faut-il accepter le bonheur du plus grand nombre, malgré la souffrance d’un seul ? Cette manière de voir le monde, à laquelle s’oppose l’écrivaine, est celle des #utilitaristes. Selon cette école de pensée, une société juste est une société qui maximise le bonheur pour le plus grand nombre. Avec tout ce que cela contient de travers envers les minorités.

Face à cela, différentes objections existent ! Mais pour les découvrir, il vous faudra patienter jusqu’à la semaine prochaine…

Au travers des semaines qui vont suivre, chaque mercredi, nous explorerons les reliefs variés et foisonnants de vie de la Justice Sociale. Une action commune menée par L’Autre "lieu" – RAPA, Centre Franco Basaglia, Revers Asbl et CEMÉA Belgique !

Illustration d’article : Andrew DeGraff.

Où trouver la nouvelle ?