Simpsons versus Shakespeare

#JusticeSociale, semaine 9 !

Cette semaine, revenons sur l’#utilitarisme, auquel on oppose habituellement deux #objections : Premièrement, si l’on essaie de maximiser le bonheur du plus grand nombre, on peut en arriver à ne plus respecter les #droits individuels et à faire du mal aux individus. Deuxièmement, l’utilitarisme se veut une « science de la #morale » qui calcule la résultante des bonheurs et malheurs et il est donc nécessaire de disposer d’un étalon commun pour pouvoir faire ces calculs. Mais est-il vraiment possible de rapporter tous les biens moraux à une unité de valeur commune?

John Stuart #Mill, une des figures de proue de ce courant, s’employa à essayer de surmonter ces objections. Il s’oppose à #Bentham (fondateur du mouvement) sur certains points.

Ainsi, Mill défend fermement les droits individuels. Chaque personne a droit au développement, « accompli et libre, de ses facultés humaines » et l’utilité est à maximiser non pas au cas par cas, mais sur le long terme… Et c’est précisément le respect de la #liberté individuelle qui conduira au plus grand #bonheur humain sur le long terme.

Pour Bentham, il n’y a pas de distinction qualitative entre les plaisirs – pas de plaisirs inférieurs et supérieurs, tout peut être comparé sur la même échelle et sans jugement moral. On prend en compte toutes les préférences pour déterminer le contenu de la #loi.

Pour Mill au contraire, nous sommes capables d’apprécier la #qualité de nos désirs : nous pouvons faire la distinction entre plaisirs supérieurs et inférieurs, sans en référer à d’autres idées morales que l’utilité. Ainsi, pour Mill, le test est le suivant : la préférence du plus grand nombre montre quel est le plaisir le plus désirable.

A ce sujet, Michael #Sandel a effectué dans sa classe l’expérience suivante : il propose 3 divertissements à ses étudiants – un match de catch, une tirade de #Shakespeare, un épisode des #Simpsons – et leur demande lequel ont-ils le plus apprécié et lequel semble plus qualitativement supérieur.

En majorité, les élèves apprécient le plus les Simpsons, mais trouvent Hamlet l’expérience la plus louable. Si l’on en croit le test de Mill, il est donc difficile d’affirmer que Shakespeare est supérieur aux Simpsons, bien au contraire…

Mill pense en réalité que certains modes de vie sont supérieurs à d’autres, même si on y trouve moins de satisfaction. Pourquoi ne sommes-nous pas prêts à échanger une vie qui engage nos facultés les plus hautes à une vie de viles satisfactions ? Pour Mill, il faut l’attribuer à l’amour de la liberté et de l’#indépendance personnelle, un sens de la #dignité que tout être humain possède. Il arrive à tout le monde de céder à l’envie de plaisirs inférieurs, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire la différence. Ainsi, « il vaut mieux être un être humain insatisfait qu’un pourceau satisfait ».

Les désirs effectifs ne sont donc plus les seuls éléments à prendre en compte pour juger ce qui est noble et idéal. Il s’éloigne donc des principes utilitaristes. Hamlet engage nos facultés les plus hautes et nous reconnaissons donc que c’est une forme supérieure de divertissement. Et il en est de même des plaisirs supérieurs que des droits humains : Mill cherche à montrer que l’utilitarisme est plus qu’un calcul, mais n’y parvient qu’en évoquant un idéal moral de dignité et de personnalité humaines indépendant de toute utilité…

Au travers des semaines qui vont suivre, chaque mercredi, nous explorerons les reliefs variés et foisonnants de vie de la Justice Sociale. Une action commune menée par L’Autre "lieu" – RAPA , le Centre Franco Basaglia, Revers Asbl et CEMÉA Belgique!