Campagne 2025

A l’Autre "lieu", dans le cadre de la campagne de cette année, on s’intéresse à la réforme de la loi sur la protection__ de la personne atteinte d’un trouble** psychique. Cette réforme vise à adapter la loi de 1990 aux évolutions récentes des soins en santé mentale.

La loi de « mise en observation » initiée en 1990 vient d’être réformée et est entrée en vigueur en janvier 2025, celle-ci comporte diverses modifications relatives à la protection__ de la personne atteinte d’un trouble** psychiatrique. Cette année, nous vous invitons à plonger dans cette nouvelle loi, à en cerner les contours, les rouages mais aussi les difficultés éthiques, politiques et pratiques qu’elle ne manquera pas de faire surgir.

Depuis janvier 2025, la réforme de la loi de protection de la personne (juin 1990) redéfinit la mesure d’hospitalisation sous contrainte en Belgique . Dans le cadre de ses missions d’information et de sensibilisation, L’Autre “lieu”- RAPA édite la publication « Mesure d’observation protectrice : histoires d’aiguillages… » afin de saisir et informer sur les logiques et les tracés de cette loi ; sur ses bifurcations, les voies et les haltes qui composent le trajet des personnes embarquées – parfois malgré elles – dans cette mesure. 

La mesure de protection dont il est question ici est celle qui concerne le régime civil1. Elle permet qu’une mesure de protection puisse être prise – à défaut de tout traitement approprié – à l’égard d’une personne atteinte d’un trouble** psychiatrique si cette dernière se trouve dans un état de santé qui le requiert, c’est-à-dire qu’elle mette gravement en péril sa santé ou sa sécurité ou qu’elle constitue une menace grave pour la vie ou l’intégrité d’autrui2.

Cette loi est aussi conçue comme un régime d’exception ; c’est la raison pour laquelle 3 conditions doivent être réunies pour que la loi puisse s’appliquer et qu’une mesure soit prononcée.

C’est la loi du 26 juin 1990 qui est réformée par la loi du 16 mai 2024. La loi de 1990 a été promulguée pour encadrer des pratiques jusqu’alors très asilaires et peu soucieuses du respect des droits fondamentaux des personnes psychiatrisées. En ce sens, la loi de 1990 a introduit trois critères pour organiser une mise en observation (hospitalisation forcée) :

  • Diagnostic psychiatrique 
  • Danger grave pour soi ou pour autrui 
  • Pas d’autre traitement approprié

Ce dernier critère engage une idée forte : l’hospitalisation doit être le dernier recours. Mais pour cela, encore faut-il qu’il existe des alternatives crédibles, accessibles, capables d’accueillir cell..eux qui traversent des périodes de grand trouble**. Or, peu de rails ont été posés en dehors de l’hôpital, laissant ce troisième critère trop souvent réduit à un simple “refus de soin”.

La réforme toute récente est motivée par :

  • une nécessité d’ajuster la loi au paysage évolutif des soins de santé mentale.
  • une volonté de réduire les admissions forcées, jugées trop coûteuses, stigmatisantes et trop violentes.
  • le projet d’un désengorgement des voies hospitalières 
  • le souhait de réduire le recours à la procédure d’urgence et tenter de soutenir la personne atteinte d’un trouble** psychiatrique dans la possibilité de recourir aux soins volontairement.

Cependant, la traduction de ces intentions en loi et mesures concrètes nous questionne.

1 Il s’agit ici d’une mesure qui ne s’applique pas aux personnes privées de liberté dans le cas d’une procédure pénale: si une personne aux prise avec des troubles psy est enfermée à cause d’un fait qualifié d’infraction, un procès pénal a dû avoir lieu, à l’issue duquel a été prononcé un internement ou une peine de prison. Si il n’y a pas d’infraction connue par la police ou la justice, la personne est sous le régime civil, dont on parle ici.

2 Article 2 de la loi du 16 mai 2024.

Zones de perplexité :

Entre 2013 et 2022, une augmentation d’un peu plus de 40 % de mises en observation a été enregistrée. Et rien que sur l’année 2022, une personne sur dix a été admise dans un hôpital psychiatrique ou dans un service psychiatrique d’un hôpital général suite à une obligation légale. Le nombre croissant de dossiers de demande de protection introduits pourrait faire émerger l’hypothèse suivante : nous aurions tendance à recourir plus systématiquement qu’auparavant à la psychiatrie, et ce pour des problèmes multiformes qui ne trouveraient pas de solutions ailleurs. 

Suivant cette hypothèse, le projet de réduction de la contrainte dans la prise en charge des crises nécessite d’investir dans un réseau de soin solide, alternatif, diversifié et capable de travailler sur les déterminants de la santé. On ne peut exclure du traitement des souffrances psychique les indicateurs qui la provoquent : hausse des loyers, baisse de la sécurité sociale, isolement croissant, manque d’accès aux droits et discriminations. 

Nous rappelons que la loi même oblige l’exploration d’autres pistes de solutions : il faut pour ordonner une MOP pouvoir établir qu’aucun autre traitement ne peut être envisagé. 

Or force est de constater qu’il manque d’alternatives concrètes et matérielles permettant de s’extirper d’une réalité momentanément trop difficile : quels sont les lieux existants capables d’accueillir les personnes dans des états de souffrance nécessitant une grande attention, un grand soin ? Fermer des lits d’hôpitaux psychiatriques devrait servir à réinjecter de l’argent dans d’autres possibilités de traitements : des alternatives à explorer et à épuiser avant d’avoir recours à une MOP, privatrice de liberté. Nous rappelons que la loi même oblige l’exploration d’autres pistes de solutions : il faut pour ordonner une MOP pouvoir établir qu’aucun autre traitement ne peut être envisagé. 

Certes, la réforme 107 et la réforme 2024 ouvrent à plus de soin en ambulatoire, en milieu de vie, hors des établissements hospitaliers. L’approche de ces nouveaux textes de loi restructurant le secteur de la santé mentale porte de belles intentions : aller vers plus de prévention, réduire la contrainte. Mais le manque d’effectifs et de moyens au sein des institutions résidentielles ainsi qu’au sein du secteur ambulatoire ne permettra pas un meilleur accompagnement des personnes aux prises avec une mesure de protection.

Nous craignons que cette réforme continue à construire un secteur empêché de se saisir réellement du troisième critère : quelles réponses a-t-on envie de pouvoir apporter à des situations plus extrêmes ? La MOP nous apparait comme un pari manqué car elle renforce l’idéologie du zéro risque et étend les logiques de contrôle hors des murs des hôpitaux, passant à côté des alternatives permettant un accueil digne des états de grandes intensités existentielles.

Aussi, la loi fera l’objet d’une révision et d’une évaluation par le..a ministre de la Justice et le..a ministre de la Santé publique dans la cinquième année suivant son entrée en vigueur. Cette évaluation comprendra une enquête auprès des acteur..ices de terrain sur son application, ce qui sera l’occasion de mesurer les retombées positives et négatives de la réforme. Qui sera consulté ? De quels avis de soucie-t-on pour élaborer les lois concernant les personnes aux prises avec des troubles psychiques ? Qui sera invité..e à prendre des décisions quant à la procédure de protection ? 

Dans le cadre de cette réforme, L’Autre "lieu" – RAPA a conçu :

  • un poster pédagogique expliquant les mécanismes de la loi disponible ci-dessous en version téléchargeable ou à l’Autre "lieu" en version papier,
  • des outils d’information téléchargeables (rapports médicaux standardisés, modèles de plans de traitement),
  • des animations proposées aux institutions, associations, collectifs et services intéressés.
  • une journée de rencontres le 2 décembre aux Halles de Schaerbeek pour explorer les enjeux de responsabilités sous-tendus par la mesure de protection et ouvrir des lignes alternatives dans le soin apporté aux personnes traversant des troubles intenses.

Si vous souhaitez interpeller/partager un questionnement relatif aux mesures d’observation protectrices, n’hésitez pas à contacter Aurélie Ehx via aurelie.ehx@autrelieu.be.

Sachez aussi que des animations et form’actions concernant cette nouvelle loi peuvent être organisées. Si vous souhaitez y avoir accès, faites-le savoir à Aurélie Ehx > aurelie.ehx@autrelieu.be ou Christian Marchal > christian.marchal@autrelieu.be

Nous vous invitons également à écouter l’épisode de l’émission Psylence radio qui s’intéresse à la réforme de la loi.


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